Participation d'ECCLA à l'enquête publique concernant le projet
de production d'hydrogène à Port La Nouvelle
1/ Hydrogène : quel rôle dans la transition énergétique ?
En ces périodes où on nous propose de donner notre avis sur la politique énergétique de la France, il a semblé utile à notre association de se poser la question de la pertinence de l'hydrogène comme stockage intermédiaire de l'électricité.
En effet, même si la France est en retard sur ces objectifs, l'accroissement des ENR est inévitable même si le gouvernement semble pousser surtout le nucléaire.
Aujourd’hui, et pour encore quelques années, le stockage n'est pas nécessaire car le niveau de production est trop faible et l’énergie est utilisée au fur à mesure de sa production.
Cependant, ultérieurement, quand les énergies renouvelables couvriront une part importante de nos besoins, le stockage deviendra utile et même nécessaire. Il est aujourd’hui fait par batterie, mais l’hydrogène est aussi une option de stockage. Il est donc utile de commencer à s’y intéresser.
La question qui se pose est celle du rendement et in fine de la rentabilité puisqu'il s'agit de passer de l'électricité à l'hydrogène, puis à nouveau à l'électricité via une pile à combustible. C'est aussi ce qui est fait avec des batteries qu'on charge avec de l'électricité, puis qui se déchargent en rendant de l'électricité. Dans les deux cas, il s'agit de stockage intermédiaire.
Nous nous sommes tournés vers l'ADEME pour chercher une réponse. En termes de rendement, il n'y a pas photo, le rendement est de l'ordre de 25% pour la chaine hydrogène et de 70% pour la chaine batterie.
Ce diagramme permet de comprendre pourquoi en précisant toutes les pertes
Cependant, la suite de l'étude montre que les deux solutions peuvent être complémentaires plutôt que concurrentes.
Mais évidemment deux installations risquent d'aller vers un coût très cher.
En d'autres termes l'hydrogène peut avoir une place, mais plutôt une place de niche assez limitée.
2/ Les aspects environnementaux
En tant qu’association de vigilance environnementale, nous nous sommes penchés en priorité sur trois aspects environnementaux : l'approvisionnement en énergie, la biodiversité et la consommation d'eau.
2.1/ L'approvisionnement en énergie
L'installation va consommer une quantité importante d'énergie pour dissocier l'hydrogène de l'oxygène par électrolyse. La puissance raccordée est de 60 MW. Il est donc essentiel que cette énergie soit renouvelable sinon il s’agirait d'hydrogène « gris » et non pas vert.
Le dossier indique effectivement que l'approvisionnement en énergie sera fait avec des ENR.
Mais on ne sait pas d'où. Dans le résumé non technique de l'EIE, on trouve :
« Pour le projet Hyd’Occ, l’électricité sera issue en totalité de sources renouvelables, en privilégiant l’approvisionnement local direct ou indirect depuis des centrales photovoltaïques et éoliennes proches. L’hydrogène produit peut donc être qualifié de renouvelable au regard de la définition donnée dans le Livre VII du Code de l’Energie article L.181-1. »
Plus précisément, dans l'EIE on trouve
Rien n'est sûr à ce stade et cela pose un vrai problème de crédibilité car il ne faudrait pas que cela se termine au point 5 par l'achat de certificats verts ».
Ce point devra être vraiment éclairci tout comme l’utilisation de l’éolien proche.
2.2 Impact biodiversité
A priori le projet est dans une zone industrielle, donc la faune et la flore ne sont pas très considérable sur le site, bien que
Cependant pour ce dernier aspect, la SEMOP qui gère le port prévoit de bétonner toute la plateforme logistique. Donc il se restera plus grand chose de naturel.
Ce point n'est donc pas essentiel dans ce dossier
2.3 Consommation d'eau
Cette consommation est importante, 200.000 m3/an. Or ce projet se situé dans la basse vallée de l'Aude qui est en zone de déficit très important (plus de 30 millions de M3), raison pour laquelle la zone est en ZRE. Il y a une ambigüité sur l'origine de cette eau.
Dans le document qui explicite la demande (P.52), il est écrit :
« L’eau nécessaire à la réalisation de l’électrolyse proviendra du réseau d’eau potable communal reposant sur la nappe superficielle d’accompagnement du fleuve Aude et sur le transfert de ressource depuis le bassin versant de l’Orb ».
A ce stade pas d'ordre de grandeur sur combien proviennent du réseau d'eau potable et combien de l'Orb ?
Dans le même document à la page d'après, il est écrit :
Les besoins en eau pour le projet n’impacteront pas le déficit du bassin versant de l’Aude, puisque l’eau potable consommée proviendra du bassin versant de l’Orb voisin.
Ils sont rejetés dans le réseau d’assainissement. La mairie peut-elle nous assurer que sa station d’épuration peut accepter un tel flux ?
La commune de PLN peut-elle affirmer que sa station d'épuration peut les traiter ?
3/ Les aspects « dangers »
3.1/ l'hydrogène, un gaz dangereux
C'est l'aspect le plus problématique. En effet il s'agit de produire de l'hydrogène. On pourrait penser qu'il s'agit d'un gaz normal, pas très dangereux, mais depuis le grave accident de 1937 du Zeppelin qui avait pris feu, il est clair que l'hydrogène est un gaz dangereux qui peut exploser.
ARIA qui répertorie les accidents industriels a fait une note spéciale dédiée aux accidents de l'Hydrogène.
Sont répertoriés 213 accidents connus dans me monde dont 25 mortels (80 morts). Parmi ceux-ci, 5 ont eu lieu en France. Plus récemment, en juin, une station de distribution d'hydrogène a explosé près d'Oslo.
Donc c'est l'étude de dangers qui constitue le cœur de ce projet et doit faire l'objet de toutes les attentions
Pas de chance ou plutôt volonté de réduire l'information du public, l'étude de dangers n'y est pas présente dans le dossier. Il n'y a que le résumé non technique de l'EDD, lequel ne donne aucune indication sur les risques.
Si le gouvernement veut encore pouvoir faire des usines dangereuses, il est vital que le public soit réellement informé. Cette partie du dossier est scandaleuse
3.2/ SEVESO ou pas ? Seuil haut ou pas ?
A partir du moment où il y a un gaz dangereux, il faut aller chercher dans la nomenclature ICPE en particulier dans les numéros 4000 où se trouvent les installations SEVESO.
C'est dans le résumé non technique de l'EIE que se trouve l'information (et pas dans l'EDD ce qui serait normal).
Les rubriques concernées par le projet Hyd’Occ sont :
- Rubrique 1630 liée à l’emploi d’hydroxyde de potassium pour le process d’électrolyse ;
- Rubrique 3420 liée à la fabrication d’hydrogène ;
- Rubrique 4715 en raison du stockage d’hydrogène.
Première constatation :
Seconde constatation :
Dans le dossier il est affirmé que l'installation sera SEVESO seuil bas et que même l'accident le plus grave n'aura pas de conséquences à l'extérieur du site. Cette affirmation s'éclaire en allant voir la lettre du maire de PLN qui précise que le conseil municipal donnera son accord à condition :
… » qu'une étude de dangers réalisée selon les prescriptions de la DREAL indique clairement, aujourd'hui comme dans l'avenir, qu'aucun risque généré par installation (usine, poste de chargement... ) ou les éléments qui dépendent d'elle (camions, wagons...) n'aura en cas d'accident d'effets au-delà de l'enceinte de l'usine en déclenchant un effet domino. Cela signifie que votre installation devra demeurer classée en seuil bas au sens de la directive SEVESO 3. ».
Conclusion :
L'exploitant s'engage à limiter la quantité d'hydrogène à moins de 50 tonnes.
Mais on doit lui faire confiance car la production à pleine puissance est de 21 tonnes par jour
Les WE où la circulation des poids lourds dangereux est interdite devra voir la production diminuer.
ECCLA restera très attentive si le projet se poursuit.
3.3/ Transport
Le transport est toujours un risque plus important, car forcément moins sous contrôle
Les informations disponibles :
Donc 48 camions avec des remorques de 450 kg d'hydrogène emportent effectivement la production quotidienne à pleine puissance
Se pose la question de 48 camions dangereux partant quotidiennement sur la route sachant que la plateforme logistique devait avoir un raccordement rail. Où en est-on de ce raccordement ?
L'industriel envisage-t-il un raccordement rail quand cela sera possible ?
3.4/ le voisinage
Difficile d'oublier le voisinage. 4 SEVESO seuil haut sur la même plateforme, ce qui signifie que les effets domino peuvent venir sur cette usine depuis ces autres installations.
Enfin, il n'y a pas que les SEVESO seuil haut ou bas, Camidi qui n'est même pas une ICPE, qui n'est qu'une entreprise de transport a déclenché un grave incendie en plein milieu de la nuit avec des risques d'extensions vers les autres usines.
Si l'usine se fait les études de dangers sur la plateforme devront avoir un aspect collectif
3.5/ La tierce expertise de l'INERIS
Vu le risque de cette usine, une tierce expertise a été faite. C'est l'Ineris qui en a été chargé, ce qui est bien car l'INERIS travaille depuis de nombreuses années sur les risques liés à l'hydrogène.
Le document est très synthétique, mais il permet de comprendre
Il ressort après cette 3ème tierce expertise que la plupart des remarques faites par l'INERIS ont été prises en compte, mais qu'il reste encore quelques aspects mineurs comme une attention particulière à l'emplacement des parkings où seront stockés les camions pleins.
ECCLA est très étonnée de voir le nombre de remarques sur l'étude de dangers. Nous n'avons jamais vu cela dans une tierce expertise.
Cela s'explique en regardant de près les compétences du groupe qui se lance sur ce projet. Photovoltaïque, éolien, hydraulique, toutes les énergies renouvelables, mais rien sur les risques industriels.
Conclusion
Au vu de tout ce qui précède, mais surtout au vu des risques industriels et de l'absence apparente de compétences de l'industriel qui porte ce projet
et au vu de la tierce expertise de l'EDD
ECCLA donne un avis défavorable à ce projet