Projet de centrale photovoltaïque au lieu-dit "Le Devès »
Avis ECCLA du 02/10/2023
L’association ECCLA (Ecologie du Carcassonnais, des Corbières et du Littoral Audois), agréée et représentative, émet les remarques et l’avis suivant :
1. Le projet présenté est de taille totalement déraisonnable (62 ha). Le fait que les terrains d’assiette soient principalement des biens communaux et que la commune de Fontjoucouse en tirerait un bénéfice réel n’est pas suffisant pour compenser la forte consommation d’espace naturel et les atteintes à la biodiversité ainsi qu'à la qualité des paysages qui en résulteraient. Le projet s’inscrit sur des espaces naturels de grande qualité (ZNIEFF 1, Natura 2000 directive Oiseaux), composé de garrigues basses de type matorral.
2. Le projet s’inscrit dans une nouvelle tendance au gigantisme dans les basses Corbières : projets de Tournissan1 PV0298 (43 ha, accordé), Albas (34 ha, accordé), Tournissan 2 PV0424 (61 ha, accordé), Ribaute PV0437 (60 ha, accordé), Fraissé-des-Corbières (PV0432, 27 ha à vérifier, en instruction), Saint-André-de-Roquelongue (107 ha, en projet), Fabrezan-Camplong (207 ha, en préparation). Ces projets ont en commun de massacrer des zones naturelles, forestières ou agricoles remarquables. C’est un mouvement qui va de pair avec la nouvelle loi d’accélération des EnR, la crise des finances locales qui pousse les communes à trouver de nouvelles recettes, la crise viticole qui incite les agriculteurs à chercher de nouveaux revenus et l’agressivité commerciale de certains développeurs de projets. Et cela dans un contexte où le législateur n’a pas pris la mesure du danger et se contente de vagues préconisations pour « protéger » les espaces agricoles, naturels et forestiers, qui n’ont aucun effet.
3. Eccla préconise au contraire d’installer le photovoltaïque en priorité sur les toitures et les parkings des zones industrielles et commerciales, ainsi que sur les délaissés autoroutiers, routiers et ferroviaires, qui représentent des centaines d’ha. Cependant, pour tenir compte des besoins financiers des communes et des EPCI, ECCLA accepte les projets de parc photovoltaïque de petite dimension en milieu rural (10-20 ha) sous réserve que les enjeux faune-flore et paysager le permettent. ECCLA rappelle que le Conseil départemental de l'Aude met en place une nouvelle stratégie touristique axée notamment sur les zones naturelles - qui sera anéantie si nos terroirs se couvrent de panneaux.
4. Le projet a été très sévèrement commenté par la MRAe :
a) La MRAe rappelle que la mise en œuvre des orientations nationales et régionales pour l’implantation de centrales solaires au sol implique une approche à un niveau supra-communal, en général à l’échelle d’un bassin de vie et que la seule modification des modalités d’aménagement ne peut être considérée comme une alternative d’aménagement à une échelle suffisante. En conséquence et vu l’ampleur de l’installation, la justification de la localisation du site n’étant pas suffisante au regard des enjeux environnementaux, la MRAe recommande de produite une analyse de solutions alternatives (secteurs très anthropisés ou dégradés), a minima à l’échelle supra-communale, afin de déterminer la solution de moindre impact environnemental.
b) La démarche d’évaluation environnementale de l’installation comporte en outre plusieurs insuffisances, en particulier des défauts méthodologiques dans la réalisation de l’état initial naturaliste, une sous-évaluation des enjeux de biodiversité (en particulier pour l’avifaune) et d’intégration paysagère, une non prise en compte des effets cumulés, et enfin des mesures d’évitement, de réduction, voire de compensation (séquence ERC) qui ne sont pas à la hauteur des incidences générées par l’installation. L’étude d’impact fait état d’impacts résiduels non négligeables pour des espèces patrimoniales et protégées
c) Vu l’ensemble des éléments précités, la MRAe recommande au porteur de projet de reconsidérer la localisation du site du projet ou de revoir en profondeur l’analyse des incidences environnementales et de proposer des mesures d’évitement et de réduction proportionnés.
5. Le projet a reçu un avis défavorable de la CDPENAF, dont Eccla est membre, le 08/04/2021 :
d) le projet est surdimensionné (21 ha de panneaux pour une surface clôturée de 62 ha) ;
e) l’étude d’impact tend à minorer les enjeux avi-faunisitiques et plus particulièrement ceux concernant les espèces ayant conduit à la désignation du site au sein du réseau NATURA 2000 : Aigle de Bonelli, Aigle Royal, espèces qualifiées d’enjeu fort à l’échelle de la ZPS Corbières Orientale ;
f) le projet porte atteinte aux paysages naturels du plateau du Devès et à ses versants (visibilité depuis le site inscrit Mont St Victor et son ermitage), sans mesure d'atténuation ;
g) les mesures d’évitement, de réduction et de compensation sont insuffisantes.
h) En conséquence, la commission émet un avis DEFAVORABLE
Avis d’Eccla : les éléments exposés ci-dessus amènent l’association Eccla à émettre un avis défavorable pour ce projet à l’enquête publique.
Si le projet devait aller à son terme Eccla veillera à ce qu’une demande de dérogation à la protection d’espèces protégées soit introduite.
Fait à Narbonne, le 02/10/2023